Savoir estimer l'état hydrique d'une vigne en V.I.E. afin de piloter l'irrigation
Sur un V.I.E. il est important de limiter considérablement la contrainte hydrique que peut subir la vigne notamment durant les périodes clés de croissance herbacée des baies et post véraison pour limiter une déshydratation des raisins. L’irrigation est l’outil nécessaire à la bonne gestion de cette contrainte hydrique dans de nombreuses situations.
Pour autant, l’utilisation de l’eau doit se faire de manière rationnelle et optimisée. En V.I.E., il convient d’établir une stratégie d’apports d’eau réfléchie sur la base de données rationnelles issues d’outils d’aide à la décision, en fonction des interactions « sol – météo – végétal ».
Plusieurs outils sont à disposition des viticulteurs pour évaluer la contrainte hydrique et savoir quand déclencher l’irrigation de la vigne.
Comment observer visuellement la contrainte hydrique au vignoble ?
Le déficit hydrique affecte la croissance végétative et générative de multiples façons selon la gravité et le moment de la saison où il se produit. La première réponse physiologique à une légère contrainte hydrique est une réduction de la croissance des pousses, affectant principalement les rameaux latéraux/secondaires avant que la croissance du rameau principal soit réduite et que l’ouverture des stomates soit régulée.
Qu’est ce que le potentiel hydrique foliaire de base ?
Il s’agit incontestablement de la mesure de référence pour mesure l’état hydrique de la vigne. Elle se réalise à l’aide d’une chambre à pression dite de Scholander. Il s’agit d’estimer, à l’aide de la pression d’un gaz neutre appliqué sur une feuille, la capacité des cellules à retenir l’eau. Moins il y aura d’eau libre dans la plante, plus la pression nécessaire pour la faire sortir sera forte. Le résultat, la pression nécessaire pour extraire la sève de la feuille, est exprimé en Bar ou en Mpa, toujours en valeur négative. Ce potentiel représente l’état hydrique de l’organe à un instant donné et peut être mesuré sur toute feuille et à toute heure selon ses objectifs. Il peut permettre notamment de suivre l’évolution de la contrainte au cours de la journée. Il existe une forte variabilité entre feuilles et son interprétation peut s’avérer problématique. On préfèrera plutôt le potentiel hydrique foliaire de base et de tige.
-> Voir la vidéo d’utilisation de la chambre de Scholander
Qu’est-ce que le potentiel hydrique foliaire de base ?
Ce potentiel représente un équilibre en l’état hydrique de la vigne et l’état hydrique du sol. La mesure se réalise en fin de nuit, avant le lever du soleil (lien vers la méthodologie). Il s’agit d’un indicateur robuste qui a permis d’obtenir de solides seuils de référence de l’état hydrique de la vigne, validés à l’échelle internationale (Carbonneau, 1998). Ces seuils peuvent varier suivant les cépages. Il existe une faible variabilité entre feuilles. La méthode est adaptée aux vignobles à forte contrainte hydrique de type méditerranéen, puisque le potentiel hydrique foliaire de base est peu sensible aux faibles contraintes.
Qu’est-ce que le potentiel hydrique foliaire de tige ?
Ce potentiel est mesuré au midi solaire (14h) sur une feuille préalablement ensachée pour arrêter sa transpiration. Il représente l’état de tension de l’eau dans la plante lorsque le feuillage transpire. Cette méthode de mise en œuvre plus lourde (lien vers la méthodologie) est sensible aux faibles contraintes et permet d’obtenir plus de discrimination dans les vignobles à contrainte modérée, comme les vignobles de type océanique.
Et la discrimination isotopique du carbone 13 (δ13C)?
Il s’agit d’une méthode simple à mettre en œuvre basée sur l’analyse du rapport 12C/13C. Ce rapport, mesuré sur les sucres du moût à maturité, constitue un indicateur global de la contrainte hydrique subie par la vigne au cours de la période de maturation. Le δ13C mesuré sur un extrait de composés phénoliques du vin est également très bien corrélé au potentiel foliaire de base minimum mesuré au cours de la saison. En comparaison avec les indicateurs classiques du régime hydrique de la vigne, l’intérêt de cet indicateur réside dans sa grande accessibilité et son faible coût. Il s’agit par contre d’une méthode a posteriori qui s’avère intéressante notamment afin de classer les parcelles.
-> Pour en savoir plus consultez cette fiche
Qu’est-ce que la méthode des apex ?
La méthode des apex est une méthode simple pour caractériser la croissance végétative de la vigne. Elle est basée sur l’observation de l’extrémité des rameaux, que l’on appelle les apex. Elle consiste à observer une cinquantaine d’apex et à les classer selon trois catégories (pleine croissance, croissance ralentie ou arrêt de croissance). Le calcul d’un indice synthétique, appelé indice de croissance des apex (iC-Apex), permet ensuite de caractériser la croissance végétative de la zone observée. La réalisation hebdomadaire de ces observations permet de caractériser la dynamique de croissance.
Cette technique demande environ 5 minutes d’observation par parcelle. Le principe de base est que le ralentissement ou l’arrêt de croissance est la réponse du végétal à une contrainte hydrique.
Remarque : lorsque la vigne a été rognée ou écimée, les observations sur les apex ne sont pas interprétables pour le suivi de la croissance végétative.
Pour en savoir plus, consultez cette fiche.
Interprétation : 4 à 5 mesures sont nécessaires pour interpréter la dynamique de croissance : la 1ère 10 jours après floraison puis tous les 10 jours environ. En fonction des observations faites sur les apex on peut distinguer quatre niveaux de contrainte hydrique :
- Niveau 0 : absence de contrainte hydrique
- Niveau 1 : contrainte hydrique modérée
- Niveau 2 : contrainte hydrique forte
- Niveau 3 : contrainte hydrique sévère.
Attention, cette méthode ne peut être employée dans le pilotage d’une irrigation une fois que l’apex principal a été rognée suite au premier rognage estival. Une application a été développée pour assurer un suivi facilité de la croissance des apex par les techniciens au vignoble : télécharger l'application Apex
Qu’est que la méthode de flux de sève ?
Le flux de sève est une méthode de mesure de stress hydrique non destructive. Pour effectuer la mesure de débit de sève, des thermocouples sont installés sur les bras de la vigne. La section de bois jeune chauffé permet de calculer un bilan thermique, celui du flux de sève montant. C’est par le biais de ce bilan thermique qu’il est possible de comprendre la transpiration réelle de la vigne. Lorsque les valeurs de transpiration sont hautes, la vigne nécessite beaucoup d’eau, et souffre d’un stress climatique important. Cette mesure permet de calculer instantanément la demande en eau journalière du végétal.
En quoi l’utilisation des sondes capacitives et tensiométriques permet de mesurer l’offre en eau du sol ?
Les sondes capacitives et tensiométries sont des outils d’aide au pilotage qui permettent d’évaluer la disponibilité en eau du sol. La tensiométrie mesure la force de rétention d’eau par le sol : plus un sol est sec, plus sa valeur tensiométrique en eau est basse. Les sondes capacitives permettent de mesurer l’humidité relative du sol, elles renseignent directement du stock d’eau encore disponible.
Ces outils mesurent l’état hydrique du sol et permettent ainsi au technicien de procéder à un pilotage de l’irrigation par l’offre. Suivre l’offre en eau du sol permet de piloter son irrigation par des seuils définis et objectifs, cependant ce pilotage ne tient pas en compte de l’état hydrique du végétal et doit souvent être complémenté par des mesures directes sur vigne (croissance des apex, potentiel hydrique de pige, etc).
Toutefois, pour que ces mesures soient efficaces, il est nécessaire d’installer deux à trois sites de sondes par parcelles référentes, en batteries et sur différentes profondeurs de sol.
Et le modèle du bilan hydrique ?
Toutes les méthodes décrites précédemment ne renseignent que de façon ponctuelle sur l’état hydrique de la parcelle. En complément, on peut utiliser des méthodes de modélisation de la contrainte hydrique. Ces modèles sont établis à partir de données météorologiques (pluies et évapotranspiration) et des caractéristiques de la parcelle . Une caractérisation fine et détaillée des parcelles suivies permet au modèle hydrique d’être plus précis dans ses prédictions. L’objectif est de caractériser l’état hydrique du sol à tout moment (la fraction d’eau disponible pour la vigne) en considérant que cette réserve se remplit avec les pluies et se vide sous l’effet de la transpiration de la végétation et de l’évaporation du sol. Ces modèles permettent de mieux appréhender les dynamiques d’évolution de l’eau disponible dans le sol au cours de la saison et d’optimiser le pilotage de l’irrigation.
Il est cependant nécessaire de toujours associer les extrapolations des bilans hydriques par des observations ou des mesures faites au vignoble.
CONTACT
Thierry Dufourcq
thierry.doufroucq@vignevin.com