Irrigation et profil produit d’un V.I.E.

L’irrigation pour un Vignoble Innovant Éco-responsable-V.I.E. dédié à Vin De France a vocation à pérenniser et stabiliser le rendement. Pour les régions les plus méridionales, elle est souvent systématique et permet de compenser des déficits en eau préjudiciables pour les objectifs de production, au cours du cycle de culture.

La production en Vin De France permet l’irrigation sans contrainte spécifique de cahier des charges. De plus, l’Article D665-17-5 modifié par Décret n°2023-735 du 8 août 2023 – art. 1 spécifie qu’il est interdit d’irriguer les vignes en production du 15 septembre à la récolte.

Comme décrit dans d’autres fiches dédiées aux V.I.E., l’irrigation peut aussi être couplée à de la fertilisation par fertirrigation, afin d’optimiser les apports de nutriments en cours de campagne avec fractionnement de la dose.

Cette fiche se focalise uniquement sur l’irrigation.

Comment fonctionne la vigne vis-à-vis de l’eau ?

L’alimentation hydrique de la vigne est conditionnée par la disponibilité en eau du sol et la demande évaporative liée à la température, à l’humidité de l’air, au vent. Le feuillage de la vigne est l’interface d’évaporation de l’eau entre la plante et l’atmosphère. La sortie d’eau de la plante par les feuilles se fait via les stomates, pores cellulaires pouvant se fermer ou s’ouvrir pour les échanges gazeux, dont l’eau. En situation de contrainte hydrique plus ou moins forte, la vigne peut contrôler la fermeture de ses stomates pour limiter sa transpiration et économiser de l’eau. C’est en situation de contrainte modérée que la vigne est la plus efficiente dans l’utilisation de l’eau en régulant sa transpiration et en maintenant sa photosynthèse.

Une contrainte hydrique plus sévère a pour conséquence un arrêt de la photosynthèse et donc de son métabolisme. Ainsi, les contraintes hydriques fortes ou fréquentes peuvent impacter le fonctionnement de la vigne et limiter sa croissance et sa production.

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Figure 1 - Représentation des niveaux de contraintes hydriques et des stades végétatifs de la vigne, mis en regard des valeurs de potentiel hydrique foliaire.
Source : Hernan Ojeda, INRAE Pech-Rouge.

Par exemple, une teneur en eau du sol disponible pour la plante (FTSW) inférieure à 40% (début de contrainte hydrique, seuil à partir duquel la vigne commence juste à réguler sa transpiration) à floraison est plus préjudiciable pour la plante que cette même teneur après véraison.

Dès floraison, une teneur en eau du sol trop basse pourra affecter de manière précoce la croissance et le développement de la vigne.

Au contraire, sur la période de maturation des baies (véraison – récolte), la vigne a besoin de contrainte hydrique pour diminuer la croissance végétative et favoriser la maturation des baies. Enfin, sur la période post-vendange, le besoin en eau ré-augmente pour assurer la mise en réserve pour la campagne suivante.

La réserve maximum en eau du sol utilisable par la vigne (la TTSW, concordant à la réserve utile RU) correspond à la taille du réservoir qu’un sol spécifique a pour stocker l’eau. C’est un élément d’importance majeure pour produire en V.I.E.

Un sol superficiel sableux aura par exemple une réserve plus faible comparé à un sol profond argilo-limoneux. Plus l’enracinement de la vigne sera profond et plus la taille du réservoir augmentera. Ce stock plus ou moins rempli fournira l’eau disponible pour la plante pendant la saison. Les pluies hivernales sont décisives pour permettre la recharge du stock et assurer le démarrage du nouveau cycle dans les meilleures conditions.

Quels besoins en eau d’une parcelle V.I.E. en lien avec l’objectif produit ?

Durant son cycle de croissance, la vigne a besoin de 450 à 550 mm d’eau (Deloire A., Pellegrino A., 2021). Les parcelles en V.I.E. visent des rendements de l’ordre de 15 à 20 t/ha. Pour permettre cette production, la parcelle doit avoir une forte vigueur car il est nécessaire d’avoir un feuillage suffisamment important pour équilibrer le rapport feuille-fruit. Cela génère une plus forte transpiration de la vigne. Le besoin en eau est donc augmenté dans ces conditions. L’irrigation viendra compléter si besoin, de manière dynamique sur le cycle de culture, l’eau disponible dans le sol grâce aux pluies.

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Figure 2 - Disponibilité en eau dans le sol et besoins de la vigne.
Source : Deloire A. & Pellegrino A., 2021.

Les parcelles V.I.E. doivent être positionnées sur des sols bien pourvus en réserve en eau, et pour les zones méridionales qui sont plus chaudes et plus sèches, sur des ilots ayant un accès à l’eau pour compléter les déficits avec l’irrigation.

Pendant les premiers mois suivant le débourrement, la plante vit principalement sur ses réserves pour assurer le développement du feuillage et du système racinaire annuels. Autour de la floraison, les déficits en eau causés par une recharge hivernale trop faible peuvent commencer à impacter la vigne. De manière générale, les vignes V.I.E. ne doivent pas rencontrer de fortes contraintes jusqu’à la véraison, pour permettre une croissance optimale des baies. En revanche, l’apparition d’une contrainte progressive pendant la maturation permettra d’assurer un arrêt de la croissance et de faire mûrir les raisins jusqu’à la récolte. La Figure 2 illustre les besoins en eau vis-à-vis du cycle de la vigne.

Les profils de vins issus des V.I.E. sont diversifiés par leur choix de cépages (variétés résistantes, cépages internationaux), leur emplacement géographique, et produisent des vins de type bases mousses tout comme des vins tranquilles blancs, rouges ou rosés. On peut caractériser quelques groupes de profils types V.I.E. en fonction de la contrainte hydrique adéquate au cours du cycle :

  • Profil rouge fruité : contrainte modérée souhaitée un peu avant véraison et jusqu’à la récolte ;
  • Profil blanc et rosé : contrainte légère jusqu’à véraison et modérée jusqu’à récolte ;
  • Profil base mousse : les gros rendements de ces profils et la nécessité de garder des petits degrés impliquent de limiter la contrainte hydrique en ne dépassant pas une contrainte légère sur tout le cycle.

Quelle stratégie adopter ?

  • Avant floraison il n’y a généralement pas lieu d’irriguer. Pour une parcelle V.I.E., comme expliqué plus haut, l’objectif de rendement élevé implique de limiter la contrainte hydrique qui risquerait de ralentir la croissance végétative, d’engendrer un mauvais taux de nouaison, ou un mauvais grossissement des baies.
  • Entre véraison et récolte, l’apparition d’une contrainte hydrique plus conséquente est nécessaire et peut être contrôlée par irrigation selon le type de produit recherché. Attention, il est tout à fait possible de ne pas avoir à irriguer avant véraison, selon les régions et les millésimes.

Dans le cas où l’irrigation est requise, le démarrage de l’irrigation doit se faire en connaissant la situation locale (bulletins d’irrigation, conseil) et par des observations terrain. Plusieurs moyens permettent de déterminer si la vigne subit une contrainte hydrique plus ou moins forte (voir fiche « Savoir estimer l’état hydrique d’une vigne V.I.E. et piloter l’irrigation »).

Pour un viticulteur non équipé de sondes types capacitives ou autres outils de mesure, le moyen le plus facile à mettre en œuvre pour évaluer l’état hydrique de ses vignes est la méthode des apex*, consistant à observer le développement des apex sur des rameaux non écimés / non rognés. Cette méthode peut permettre de caractériser le niveau de contrainte hydrique de la parcelle et notamment de déclencher le premier apport de la saison. La Chambre d’Agriculture du Var spécifie que si la majorité des rameaux (>50%) est en croissance ralentie alors que la vigne devrait encore être en croissance, l’irrigation peut être déclenchée. On pourra éventuellement poursuivre les observations pour situer le niveau de contrainte de la parcelle, et évaluer si le volume d’eau apporté est suffisant.

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La connaissance de la situation pédoclimatique de la parcelle, associée à l’objectif produit (profil de vin), vise à définir la stratégie d’irrigation, en termes de quantité d’eau par apport et de fréquence d’apports. Sur les sites pilotes V.I.E. basés dans l’Aude, on peut décrire deux types de stratégie en fonction du sol :

  • Sol superficiel et filtrant (présence de sables et forte pierrosité) correspondant à une RU faible : apports fréquents (tous les 3 à 5 jours par exemple) avec de petits volumes (< 5 mm), en faisant évoluer la quantité apportée selon le stade phénologique et le développement de la végétation.
  • Sol profond argilo-limoneux correspondant à une RU élevée : apports plus espacés dans le temps, tous les 10 à 15 jours voire 3 semaines, avec chaque apport plus conséquent (jusqu’à 15 mm – 20 mm).

Les choix de début et de fin d’irrigation seront donc dictés par les conditions climatiques de l’année, en fonction de la recharge hivernale, et des pluies sur le cycle de culture de la vigne.

Remarque sur l’irrigation post-récolte : D’une manière générale, irriguer dans le mois suivant la récolte peut être bénéfique, lorsqu’elle fait suite à une contrainte estivale sévère, pour assurer la fin de cycle et la mise en réserve. Une irrigation plus tardive pendant l’automne entraîne une dépense inutile (ressource et coût).

 

L’application APEX VIGNE : Outil gratuit, utilisable par les producteurs pour suivre l’état hydrique de leurs vignes en procédant à des observations directes sur leurs parcelles. Elle fournit un ratio d’apex en pleine croissance, en croissance ralentie, et en arrêt de croissance, et en déduit le niveau de contrainte hydrique de la parcelle.

Téléchargement et explications :

Accédez à l'application

Quelle gestion des aléas climatiques ?

On peut commenter deux cas de figure sur lesquels se pose la question de l’irrigation :

  • Gestion de la vigne pendant les pics de chaleur :

L’irrigation ne permet pas d’atténuer les effets des pics de chaleur, notamment sur la photosynthèse, au-delà des 35°C. Ces stress thermiques bloquent le métabolisme de la vigne et la présence d’eau dans le sol n’a pas d’action directe pour y remédier. Pour limiter les effets thermiques, il existe plusieurs possibilités plus ou moins coûteuses : la protection de la surface des feuilles par des argiles, l’ombrage de la vigne ou la brumisation du feuillage.

  • Gestion du déficit précoce avec faible recharge hivernale :

En cas de déficit hydrique précoce, le début de l’irrigation sera avancé potentiellement dès floraison pour constituer un « bulbe d’irrigation » et ensuite accompagner la croissance végétative de la vigne avec une irrigation régulière.

Conclusion

Pour un V.I.E., il est préférable de limiter le plus possible la contrainte avant véraison, et ensuite, sur la période de maturation, d’ajuster si besoin la quantité d’eau disponible pour la plante en fonction du profil de vin recherché. Il n’existe pas de recette générique pour l’irrigation et chaque cas est particulier.

Les choix initiaux d’implantation de la parcelle V.I.E., et notamment de l’orientation de sa production vers différents types de vins, doivent être réalistes au vu du pédoclimat afin d’exploiter au mieux les conditions intrinsèques de l’ilot.

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